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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

dans Roméo et Juliette « quantité de fautes contre le goût et la bonne économie artistique » et Berlioz déclarait que le prélude de Tristan et Iseult était « sans autre thème qu’une sorte de gémissement chromatique mais rempli d’accords dissonants dont de longues appogiatures, remplaçant la note réelle de l’harmonie, augmentent encore la cruauté ». Celui qui, tout enfant, pleurait à chaudes larmes en traduisant Virgile, qui, plus tard, au milieu d’une représentation d’Iphigénie en Tauride, se levait en hurlant : « Les trombones ne sont pas partis ! » celui-là, il faut le reconnaître, était prédestiné à écrire les Troyens, à les écrire tels qu’il les a écrits. Il y avait, au fond du grand romantique, un grand classique, et c’est ce grand classique qui se manifeste de la première à la dernière page de l’émouvante et splendide partition de la Prise de Troie que nous avons entendue à l’Opéra.

Le poème met en action le récit que fait Énée à Didon au second livre de l’Énéide. Sur une musique extraordinairement vive et joyeuse, dansante même, le peuple troyen envahit le camp abandonné des Grecs, clame son bonheur de respirer enfin l’air pur des champs après les longues années du siège passées dans les murailles de la ville. La sonorité des instruments