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Page:Bruneau - Musiques d’hier et de demain, 1900.djvu/289

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LA PRISE DE TROIE

beauté qui, avec quelle éloquence ! dit l’effroi de tout un peuple sentant s’appesantir sur lui l’implacable main du destin. C’en est fait ! la malheureuse foule va au-devant de l’horrible machine et Cassandre verse des larmes sur la patrie perdue. Au loin, tandis que tombe la nuit sinistre, retentissent les trompettes, ironiquement triomphales. Peu à peu elles s’approchent et l’on entend les chants du cortège. Voici les soldats traînant par de longues cordes le monstrueux cheval. La prophétesse, désespérée, folle, leur crie de s’arrêter et, déjà, l’ennemi est dans la ville. Que Troie s’écroule donc et qu’elle périsse sous ses débris !

Maintenant, dans une chambre de son palais, Énée dort, armé. Les affreuses clameurs du dehors cessent un instant et, sur un rythme sourd, martelé par les contrebasses, les timbales et les cors en sons bouchés, l’ombre d’Hector, issue de l’obscurité, s’avance et parle à Énée qui se réveille brusquement. « Troie détruite, que l’on cherche l’Italie pour y fonder l’empire dominateur du monde… » Par degrés, la voix s’affaiblit et l’apparition s’efface. Dans les rues, les hommes combattent ; dans le temple de Vesta-Cybèle, les femmes psalmodient une invocation à la déesse. Cassandre, chancelante, les cheveux épars, vient les rejoindre. Elle chasse