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Page:Bruneau - Musiques d’hier et de demain, 1900.djvu/70

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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

loppant les caractères, commentant non sans profondeur d’expression les mystérieux conflits d’âmes. Si les autres parties sont moins fermes, moins personnelles, moins inspirées, c’est qu’elles se réclament de l’ancienne manière de l’opéra, usant des chœurs, des ensembles, des finales, des ballets et des cortèges sans raisons dramatiques appréciables. On pourra et on devra blâmer l’hésitation du style d’Othello ; peut-être ne faut-il l’attribuer qu’au trouble de l’auteur devant la révolution montante et triomphante, a son noble désir de ne pas rester en arrière, à sa belle ambition de se refaire une jeunesse et de marcher à la bataille avec les nouveaux venus. Pour ma part, je ne trouve point cela méprisable et pense que l’on doit respecter grandement une si vaillante tentative, qui est un hommage rendu aux conquêtes d’aujourd’hui par un de nos plus glorieux vétérans.

C’est dans l’île de Chypre, en plein ouragan nocturne, que s’engage l’action. Tandis que les hommes et les femmes hurlent d’épouvante, que l’orchestre grince et s’agite aux frémissements des cymbales, aux appels des trompettes et du canon, sur la course échevelée des nuages, bondissant des flots au ciel, paraît et accoste le navire qui porte Othello, vainqueur des Sarrasins. Des feux de joie s’allument, on boit, et Iago,