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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

phiés et le fou furieux qui fut le romancier favori du directeur Barras. » Ainsi s’exprimait, au lendemain de la première représentation de Tannhäuser, l’un des critiques les plus lus et les plus redoutés du temps. Si Janin et quelques autres, si Baudelaire surtout, dont l’admirable article est célèbre, défendirent l’œuvre, il faut reconnaître que ce fut là le ton assez généralement pris pour la juger. Écoutez donc, dès le début de l’ouverture, le cantique des pèlerins, d’une si auguste et si impérieuse sérénité, qui s’auréole bientôt du trait de joie exultante dont le déploiement vertigineux enveloppera, submergera le drame tout entier de ses ondes purificatrices ; voyez, dans le coup de lumière instrumental, apparaître — car ils s’imposeront autant à vos yeux qu’à vos oreilles — les motifs du Vénusberg, les uns de fantasmagorique forme, les autres d’indicible grâce voluptueuse, dont l’expression, jamais brutale, est d’une si intense et si séduisante poésie ; subissez l’enthousiasme chevaleresque de l’hymne à Vénus, cri triomphal de l’homme devant la Beauté souveraine et immarcescible, enfin découverte en la course au bonheur ; frémissez aux délices des appels si tendres et si enlaçants de la déesse ; réveillez-vous du rêve ; acceptez, les mains jointes, le pardon qui, par les cent voix formidables de