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TANNHÄUSER

ambitionnent les succès immédiats doivent s’attendre à d’effroyables retours de fortune. Wagner triompha des mauvais artistes par sa confiance en l’avenir, cyniquement méprisé de ceux-là, et cette soirée de revanche en est la plus éclatante preuve. J’estime donc qu’au lieu de reprocher aux directeurs de l’Opéra la substitution de Tannhäuser à Tristan, qui nous fut d’abord promis et à qui mes préférences restent fidèles, il convient de leur savoir gré de tout ce qu’une si haute manifestation comporte d’enseignements et de conséquences. N’eût-elle pour résultat que d’imposer le respect des chefs-d’œuvre et démontrer l’inutile infamie des vandalismes courants qu’il faudrait s’en réjouir du fond de l’âme.

« La musique de Tannhäuser peut être de la chimie ou de l’alchimie, de l’algèbre ou de la métaphysique, du somnambulisme ou de la catalepsie, de l’hypocondrie ou de la folie : ce n’est pas de la musique, car elle proscrit le chant, car elle nie la sensation, car il faut se boucher les oreilles pour l’entendre… La musique de l’avenir, cette musique contre nature, qui blesse l’oreille sans aller au cœur, qui demande à d’horribles dissonances le plaisir musical, c’est l’amour tel que le comprenaient les Césars atro-