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Page:Bruneau - Musiques d’hier et de demain, 1900.djvu/80

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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

terribles joies du néant. Ailleurs, des hommes vivent, combattent, aiment et souffrent. Pourquoi n’est-il pas heureux ou malheureux comme ces hommes ? La souffrance surtout l’attire, la souffrance, rédemptrice sacrée, jamais lasse de sauver le monde. La harpe à la main, en trois strophes, dont la montée tonale accroît la véhémence, Tannhäuser chante la gloire de Vénus en même temps que le désir de la vie, et ni supplications ni menaces n’empêcheront le mot magique d’être prononcé. Au suprême cri d’appel à Marie, tout s’écroule, et le chevalier, sans avoir fait un mouvement, se retrouve dans la claire vallée printanière, près de la Wartburg.

Assis sur un tertre, un pâtre fredonne une tranquille ballade à dame Holda, déesse des antiques légendes, et les sons naïfs de son chalumeau se mêlent à l’austère choral des pèlerins qui traversent le val pour aller chercher à Rome le pardon et l’oubli des fautes commises. Tannhäuser, tombant à genoux, clame superbement sa reconnaissance et son humilité, tandis que les pénitents s’éloignent et qu’une chasse s’approche. Douze cors, sur le théâtre, en sonnent les fanfares, de plus en plus éclatantes. Le landgrave Hermann et les chevaliers chanteurs reconnaissent l’ami disparu et le conjurent de reprendre sa place parmi eux. Il faut toute