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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

entonne l’hymne à la déesse, et, pendant que fuient les femmes terrifiées et que s’entrecroisent les furibondes apostrophes, brandissant sa harpe, il profère, défi suprême, la parole blasphématrice qui dit la gloire du Vénusberg.

Le glaive levé, tous les hommes se précipitent sur l’impie. Seule, Elisabeth s’interpose et demande grâce pour le coupable, tandis que ïannhàuser se roule aux pieds de celle qu’il vient de trahir. Ah ! ces cris du désespéré, je ne crois pas avoir jamais éprouvé au théâtre émotion plus forte qu’en les entendant !

Mais voici que sous les fenêtres passent les pèlerins en route pour Rome. Leur cantique inspire miséricorde au landgrave. Que Tannhäuser les accompagne donc et supplie le Souverain Pontife de lui accorder l’absolution de sa faute. Sur un trait instrumental d’incroyable hardiesse qui, des plus bas registres des cordes, escalade les cimes de l’orchestre, le pénitent se relève tout à coup et s’enfuit.

Certaines personnes vous affirmeront que cet acte est conçu selon la poétique surannée du vieil opéra et fait tache dans l’œuvre. Libre à vous de partager leur avis si votre jugement n’est pas assez sain pour vous convaincre du contraire, et libre à moi d’admirer le splendide équilibre, la puissance expressive et dramatique,