Page:Bruneau - Musiques d’hier et de demain, 1900.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
LA NAVARRAISE

Je n’entends pas viser de façon précise le cas spécial de M. Massenet en énonçant ici ces quelques réflexions d’absolue généralité. Le musicien si personnel de Manon, de Marie-Magdeleine et de Werther est encore trop riche en ressources diverses pour avoir besoin de rien emprunter à ses cadets ou à ses anciens, et les mélodies frénétiques et tumultueuses dont, personnel toujours, il enlumina la partition de la Navarraise portent une marque à laquelle il est impossible de se tromper. N’ayons crainte. Si le sujet élu cette fois ne comporte pas la luxuriante floraison symphonique et vocale que nous attendions, c’est cependant bien du Massenet que nous avons aujourd’hui comme hier, et du Massenet à ce point ardent et vibrant qu’il en paraît exaspéré. Sans faire allusion positive à un maître de qui tout essai, en somme, est curieux à observer, à qui toute tentative peut être justement permise, — ce maître fut le mien d’ailleurs, et je n’ai garde de l’oublier, — je veux plutôt, en écrivant ces lignes, arrêter sur un chemin dangereux nos jeunes artistes que séduirait cette violente fantaisie d’un homme de grand talent, et leur donner le conseil de ne pas l’imiter, car la forme qu’elle revêt, sans doute « amusante » et inoffensive en une manifestation isolée, deviendrait, à mon sens, d’un usage