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ORPHÉE

cord parfait, absolu, définitif de la mise en scène et de la musique a été obtenu. Voilà certainement le plus rude coup que l’on ait jamais porté aux vieilles traditions du « face au public », du rang d’oignon, du ballet gambadé au rebours de l’élémentaire poésie, du clinquant banal et faux, inutilement coûteux, des décors et des costumes, toutes choses et bien d’autres que j’oublie auxquelles le théâtre lyrique semblait condamné à perpétuité. On a vu dans le bois sombre l’enterrement d’Eurydice ; les groupes de femmes habillées de violet foncé, tenant à la main les flambeaux funéraires, restant immobiles autour de la tombe sur laquelle pleurait Orphée, seul enveloppé de clarté. On a frémi dans le trou noir de l’Enfer où des êtres blêmes, sortis d’une illustration de Gustave Doré, tassés en un coin, tendaient leurs bras vers le joueur de lyre qui, rayonnant de la blancheur du soleil, descendait lentement du jour pâle et traversait les etîrayantes flammes rouges. On a connu le bonheur, la paix et le repos dans l’idéale campagne des Champs-Elysées, bordés de petites marguerites, aux pays de Puvis de Chavannes et d’Henri Rivière où des danseuses qui ne dansaient pas — ô joie ! — évoquaient à nos yeux le Printemps de Botticelli, où M. André Messager faisait résonner les mélodies heureuses de