Page:Brunet - Le mariage blanc d'Armandine, contes, 1943.djvu/106

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détaillent l’inventaire des toilettes. Rue Saint-Jacques, ça faisait drôle.

Très cordial, il me tendit la main :

— Qu’est-ce que tu fais, à cette heure, je te croyais à la taverne en train de boire les économies de tes clients… À moins que tu te proposes d’aller au Mexique : je peux te payer un taxi jusqu’à Montréal-Ouest…

Enfin, des sottises, comme l’amitié en dispense aux notaires. Ce qu’il y avait de particulier, c’est que, sous la plaisanterie facile, on devinait une méchanceté aux aguets. Comment vous dire cela ? Il vous donnait envie, par son rire, de vous faire voleur, assassin, pédéraste, ne fût-ce que pour vivre quelques heures dans le monde de ses calomnies. Elles avaient toujours un attrait qu’on s’expliquait mal.

Cet homme bizarre se créait un univers de crimes et de bassesses où il circulait, pur comme une hermine. Son âme était peut-être moins pure (et qui sait ?) qui menait la meute de ces acteurs homicides, parricides et incestueux, qu’il créait lui-même du reste. Imaginez un homme qui n’écrit pas de lettres anonymes, parce qu’il est une lettre anonyme vivante.