Page:Brunet - Le mariage blanc d'Armandine, contes, 1943.djvu/58

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assis, marchant, il ployait le corps, comme pour suivre sa pensée, qui allait toujours en avant et qui, aussi, partout, sur le trottoir, le parquet, dans ses craintes et ses appréhensions, cherchait la petite bête, le tourment minuscule à ramasser. Monsieur Lapointe ramassait les inquiétudes comme les mégots. Il en faisait un mélange Lapointe.

De prime abord, il avait grand air. La taille, premièrement, et puis la mouche qui ornait son menton. La mouche était la poésie de ce visage, comme les souvenirs de collège étaient la poésie de sa vie. Cela changeait un peu, quand il vous tendait la main. Il penchait tellement la taille que l’on craignait qu’il ne s’écroulât tout d’une pièce. Cela changeait encore plus, quand il souriait : on voyait d’abord le trou noir des dents absentes et l’on s’en détournait tout de suite pour apercevoir les yeux, les yeux troublants, les yeux bleus fixes, la prunelle élargie du fou. Prisonnier de son collège, ce fou avait-il besoin d’être enfermé ? Les murs le gardaient, qu’il ne sautait que pour des petites farces d’écolier sénile.

Ce qu’il avait en outre de remarquable, c’était le binocle qu’il portait. Une sorte de