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LA FOLLE EXPÉRIENCE

avant ce mot, son orgueil détestait ce mécène de taverne. Philippe haïssait, avant l’injure ; après, il excusait, il aimait presque.

Il but à larges gorgées le bock qu’un garçon mit sur la table.

— Tu y vas !

Philippe n’entendait guère, inquiet déjà, cherchant l’effet : s’il buvait en vain, cela n’était pas de la jaune

Son ami lui tendait son propre verre :

— Je n’y ai pas touché… J’en prendrai tout à l’heure.

Philippe avala encore d’un trait.

— Veux-tu que l’on fasse venir des sandwichs ?

La bière lui donnait la faim, mais Philippe, songeant qu’un sandwich, ce serait peut-être un bock de moins et que ses amis n’étaient pas riches, refusa. Il pensait aussi que cela nuirait à l’effet de la jaune, qu’une ivresse commençante lui faisait escompter.

Deux heures passèrent ainsi. L’un parlait de Malreaux, dont on annonçait une conférence, l’autre contait des anecdoctes indécentes sur les sœurs que ce commis voyageur allait solliciter, et le dernier faisait l’éloge de Staline, pendant qu’au fond de la salle, un ivrogne imitait les sermons de retraite.

À dix heures, ils étaient sur le pas de la porte, dans ce quartier d’affaires plus obscur avec ses hauts immeubles que le reste de la ville,