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DE PHILIPPE

Voyez le boîtier (il appuyait sur un petit bouton) elle sonne les heures…

Philippe avait feuilleté distraitement les œuvres du notaire, la naïveté lui en avait paru sans pareille et son inconstance avait rêvé d’en fabriquer un de ces articles blessants qui étaient les seuls qu’on acceptait maintenant et qui lui gardaient une réputation d’esprit : Philippe ne s’y trompait pas, et il sut de bonne heure que les délicats cherchent la cruauté de la prose comme Madelon est en quête de mélos qui la font pleurer : même bassesse. La bassesse de Philippe avait été de prêter ces confidences au garçon de la caisse, puisque Philippe était peut-être le seul homme qui eût découvert cette sensibilité, touchante, après tout, du vieillard. Dans ce vague malaise qui venait de sa visite à l’abbé, Philippe voulait se racheter et s’excuser, prouver au garçon que ces livres étaient des œuvres uniques. Il n’en eut pas la peine.

— Vos livres sont bien écrits. On dirait qu’on est là.

Le pédantisme de Philippe voulut redresser les méchantes conceptions de style que manifestait ce primaire, mais cet attendrissement honteux qu’il avait gardé de son dialogue avec l’abbé l’en empêcha :

— C’est une belle âme. La sensibilité vraie est aussi rare que le talent.

Philippe allait mettre au jour ce que lui-même ressentait en ce moment sans le savoir