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DE PHILIPPE

ses lectures, sa conscience n’avait plus de réponse à faire aux raisonneurs que réfutait bêtement son livre. Philippe avait alors perçu à la fois que sa raison n’avait plus de raisons de croire et que, néanmoins, il péchait : il ne reste plus de preuves et Dieu nous harcèle quand même. Il y a des moments de l’intelligence analogues à ceux de la prière : lorsque l’on prie le mieux, c’est lorsque l’on sent le moins, et au fond, c’est lorsqu’on n’a plus de raisons, étourdi un instant, comme abasourdi que, par le vide que donnera son absence, on voit ce qui s’appelle voir, quel crime on commet en refusant ce Dieu qu’on ne voit plus : « Tu ne me nierais pas, si tu ne m’avais trouvé. » Non que Philippe ait été conscient de ces réflexions, mais à coup sûr, n’ayant plus de preuves, il ne s’en sentait pas moins coupable de refuser Dieu, et, de toute sa vie, ce fut peut-être ce refus, que sa raison faussée commandait pourtant, ce désaveu de Dieu, le seul acte volontaire qu’il ait jamais commis.

Timidement, Philippe commença donc à endoctriner son docile ami. Dufort l’écoutait, ne faisant pas d’objections. Aux brocards voltairiens que lançait l’enfant, le raisonneur enfant qu’était Philippe, et point si sûr de ce qu’il affirmait, et doutant de plus en plus qu’il parlait, Dufort riait : il riait jaune ! D’abord, sans doute, pensait-il à une fantaisie de la part de Philippe, croyant qu’à la fin il dirait :