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INITIATIONS

Quand ils ne se parlaient pas au téléphone, lorsque l’un ne lisait pas en songeant à donner ses impressions à l’autre, Philippe et Dufort étaient ensemble. Ils ne se laissaient pas, et ce ménage uni n’était fait que de haines inconscientes dans l’intime d’eux-mêmes, du moins quant à Philippe. Si Dufort désespérait parfois Philippe, lorsque sa saison à la mer par exemple faisait de lui un personnage supérieur, Philippe prenait aisément sa revanche dans le discours et dans la discussion : or le plus clair de leur temps se passait en parlotes, et Philippe s’adressait à son ami, la voix haute, avec l’éloquence d’un plaidoyer public. C’est ainsi que ce sceptique, sans réussir à se convaincre tout à fait, calmait et endormait son doute maladif.

Philippe eut quand même des velléités de vivre comme il disait penser. Avec la hâte des adolescents, il avait fait table rase de toutes croyances et de toutes moralités. Il fallait maintenant arriver à la pratique, et sa timidité en était bien empêchée. Il va de soi que seuls les moyens indirects se présentaient à son esprit, et c’est pourquoi l’unique chemin pour arriver à l’état d’homme complet lui paraissait le vol, un vol comme le décrivaient les romans policiers que Philippe et Dufort lisaient, pour