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LA FOLLE EXPÉRIENCE

d’elle, lorsqu’il la voyait, l’envie ne manquait pas, et chaque fois qu’il rencontrait Philippe, à qui la tante Bertha avait fini par le présenter, en regardant si sa cravate était bien nouée, si Philippe lui parlait de choses insignifiantes, il attendait, il ne partait pas que Philippe n’eût fait rire son gros ventre de la dernière de tante Bertha.

Il fallait la voir marcher son Chemin de croix, ses génuflexions, ses élancements. Philippe disait au curé que, pour tante Bertha, le calvaire n’était pas une colline mais un pain de sucre.

Comme au temps du docteur, la tante Bertha vivait toujours dans l’épouvante. Lui arrivait-il quelque désagrément qu’elle s’asseyait, le chapelet à la main, et se mettait à pleurer. Comme l’autruche, elle ne regardait jamais le danger ou c’était comme le chien, pour japper et s’enfuir aussitôt.

Philippe, dans la maison de la tante Bertha, ne reprenait goût à rien, si ce n’est qu’il ne manifestait sa vie qu’en s’indignant ou en la faisant mordre à ses pièges. Ce n’était jamais que des mots. Cette convalescence de la dôpe était aussi plate que la dôpe elle-même.

Et la tante Bertha continuait à donner la comédie. Elle se tordait, lorsque Philippe, pour s’amuser et la faire taire, lui parlait des Indous et des moulins à prières. Elle riait encore, en commençant son chapelet, surveillant le fourneau, où cuisait ce qu’elle avait mis à cuire. Le