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DE PHILIPPE

vieille femme fit des rêves d’amour, elle trompa le docteur. La nuit, Florent faisait d’autres rêves, alourdi par la cuisine au cochon du curé : ce curé avait deux passions, le rôti de porc et la vieille théologie, l’antique patristique, dont il émaillait ses sermons, en pure perte, parce que la paroisse de Philippe n’était pas distinguée et que la parole du curé était empâtée par la cochonnaille de la veille. On sentait qu’il s’était endormi sur saint Jean Chrysostome, dont il tournait les pages d’un doigt poisseux de graisse de rôt. Sa perruque, qu’il portait à la frère, en était toute souillée aussi : elle luisait aux tempes.

Mais le beau Florent partit pour une nouvelle cure, et, comme pour commencer une nouvelle vie, la tante Bertha s’acheta un nouveau livre d’office.

Le grand événement dans la vie de la tante Bertha, ça ne fut pas Florent ni le docteur ni Philippe, ce fut le changement de curé. Jamais elle ne sentit pareille angoisse. Trois jours, à la maison, ce fut une exilée. Philippe songeait aux régions envahies qui craignent la déportation. La tante était comme sur le quai de la gare, assise sur ses valises. Allait-elle déménager, suivre l’autre curé ?

Le nouveau lui sourit. Tout de suite, il lui demanda un petit service, et la tante Bertha déboucla sa malle : elle pouvait rester, le bonheur l’attendait encore.