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LA FOLLE EXPÉRIENCE

Philippe suivit donc le fils Lanteigne à la taverne, où celui-ci sans préambule lui dit :

— Avez-vous remarqué le beau sujet de roman ?

Philippe n’en croyait pas ses oreilles. Il était à mille lieues de penser que ce garçon lourd pût s’intéresser aux lettres. Mais le fils Lanteigne avait une si belle écriture, avec « fions » et paraphes, qui avaient fait rire Philippe, un jour que son indiscrétion avait lu un billet qui traînait sur la table de son père. C’était au début de la maladie du vieux Lanteigne, il s’en souvenait. L’autre continuait :

— Vous ne connaissez pas tout. Le Père est fâché contre le testament de la Mère, parce qu’il voulait me déshériter. Le Père a du goût pour ma femme, et il sait que je m’en aperçois. Le vieux singe !

L’histoire enflammait Philippe, et la décision était prise, il serait notaire, pour découvrir ainsi le secret des familles.

Et Philippe fut notaire. Lorsqu’il fit part de sa décision à son père, il sut le prendre par où il le fallait prendre, il fut solennel :

— Je sais que vous n’êtes pas riche, en dépit des apparences qu’il faut tenir. J’aurais désiré être médecin, comme vous, la plus belle des professions, mais les cours sont trop longs, et, en choisissant le notariat, je pense pouvoir défrayer moi-même le coût de l’université…