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DE PHILIPPE

Philippe jouissait de la scène de tout son être. Il n’aurait jamais cru qu’une profession aussi prosaïque que le notariat pût être mêlée à des drames aussi caractéristiques et aussi burlesques. L’idée vint donc à Philippe de se faire notaire, « pour prendre des notes, être tabellion de la vie », comme il se disait emphatiquement.

Le docteur et Philippe furent ramenés par le fils Lanteigne, qui, tout le long de la route, visiblement éméché, contait des histoires. Le docteur daignait sourire, parfois : le docteur avait le respect de lui-même, d’abord, mais il ne manquait pas de respect à l’endroit du client.

Il y avait une taverne, non loin de la maison du docteur, et le fils Lanteigne, qui avait envie de parler, mais que la froideur et la dignité du docteur intimidaient, lui dit :

— Votre fils est un grand garçon, maintenant… Je sais que vous ne prenez ni vin ni bière, mais votre fils est un grand garçon, il sera bientôt docteur comme son père, et je voudrais parler de littérature un peu avec lui, dans la taverne, devant un verre de bière…

Le docteur était abasourdi, mais, chose inouïe, il n’osa refuser :

— Mon fils est un grand garçon, en effet et Philippe sait se conduire, je le laisse libre.

Prenant la phrase solennelle pour une permission, dont le ton était encore plus solennel,