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LA FOLLE EXPÉRIENCE

À cause de son père et de ses souvenirs livresques, Philippe avait failli rater Racine, une chose qu’on ne pardonne pas.

Une voix d’enfant criait une angoisse troublante, et il entendait :

Vingt fois sur le métier, remettez votre ouvrage…

Philippe quitta l’embrasure de la chambre, où il observait le malade et la cousine qui épongeait le front suant. C’est qu’il commençait à ressentir une peur vague. Si vraiment c’était une comédie, et si son père apercevait le sourire de celui qui ne veut être dupe sinuer sur ses lèvres, ce serait la scène des scènes. Il se réfugia dans sa chambre, où il se versa, porte close, un verre de whisky. Tout de suite la douce chaleur dont il sentait la brûlure dans l’estomac, la gêne qui serra ses tempes, et un vague alanguissement de tous les membres lui rendirent un optimisme aigu. Il voulait lire des vers, écrire la Mort de son père, avec un talent et une cruauté qui passeraient les plus grands. Il s’élargissait de lucidité. Maintenant, il croyait à la mort de son père, parce qu’elle servait ses projets littéraires. Que ce fût un dérangement pour sa vie et sa bourse ne lui importait plus : l’alcool dissipait ses craintes. Mais voilà que sa cousine ouvrait la porte.

— Je crois que tu devrais appeler le médecin. Ton père connaît son cas, mais un confrère l’aiderait peut-être.