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DE PHILIPPE

La cousine le regardait d’un air interloqué. Et à ce moment le père ouvrit les yeux. Ses lèvres remuaient. D’une voix fébrile, Philippe lui dit :

— Ça va mieux… La semaine prochaine vous serez sur pied…

Il s’approcha du lit :

— Je suis obligé de sortir… Les Chagnon…

(L’affaire Chagnon était la dernière qu’ils eussent eu à régler ensemble.)

— Je reviendrai dans une heure… Dormez… Je vais vous dire bonjour, maintenant…

Le père put bredouiller :

— De l’autre côté…

Loin d’être ému, Philippe fut content d’observer que son père restait solennel jusqu’à la fin. Il ne pouvait même sur son lit s’exprimer simplement : « De l’autre côté, Là-haut… » Philippe méprisait son père, qui, jusqu’au bout, croyait à ces fariboles. Il revoyait le collège lointain dont il parlait souvent, les congés du Jour de l’An sous la neige, la voiture qui, de cinq lieues, la voiture du grand-père qui venait le chercher pour ces quelques heures de fête. Philippe s’émouvait à ces souvenirs d’un autre, et il disait : « Il ne comprenait pas la poésie de tout ça. » Philippe était fier de lui.

Il ne pensait plus à l’argent. Dans le couloir, la tante Bertha le suivait. Elle avait les yeux rouges :

— De l’autre côté, mon pauvre enfant !