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LA FOLLE EXPÉRIENCE

le poêle et fut surpris de réussir sans trop de gaucherie. Il avait pris soin de fermer doucement la chambre de Claire, qui dormait, lourdement abandonnée dans le grand lit, ses vêtements au hasard sur les chaises, avec un parfum de femme, de lilas et d’eau de Cologne commune.

Puis Philippe prépara le petit déjeuner. Avec l’activité de l’alcool, il avait repris de la gaieté et, tout en faisant cuire les œufs, il écrivait un petit commentaire sur « la regarder dormir » où il paraphrasait en versets sentimentaux la prose de Marcel Proust.

— Ne me regardez pas, je suis laide quand je me lève… Ah ! vous m’avez écrit… Comme c’est gentil !

Elle lisait déjà. Philippe l’observait, guettant sur son visage les reflets de l’admiration. Cependant, si sa vanité était satisfaite, Philippe n’en percevait pas moins l’ironie de ces amours épistolaires, où tout finissait en littérature. Il voulut l’embrasser. Elle s’abandonnait un peu, mais les yeux toujours sur le papier, et elle eut cette phrase délicieuse :

— Allez-vous me pardonner si je vous le dis ? Je pense que je vous aime encore mieux, quand je vous lis. Je vous comprends si bien.

Tout le temps de ses amours avec Claire, Philippe eut ainsi des réveils heureux, si Claire ne les venait gâter de sa présence vivante. Qu’elle se fût endormie comme la Belle au bois dor-