Page:Brunetière - Cinq lettres sur Ernest Renan, 1904.djvu/32

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aimé « la vérité ». Mais il a été curieux, intelligemment et diligemment curieux, des « vérités » particulières, et souvent assez insignifiantes, dont le lent entassement constitue le trésor de l’érudition. Ce n’est pas la même chose ! Il a été curieux de l’âge d’une inscription sémitique et de l’authenticité d’un manuscrit grec. Il l’a été de la pureté d’un texte. Il l’a été des résultats de la philologie et des lois de la linguistique. Il l’a été de l’histoire des religions et des philosophies. Il l’a été des monuments de l’art et des progrès de l’histoire naturelle, et je dirai, si l’on le veut : « De quoi ne l’a-t-il pas été ? » Mais précisément, cette curiosité vagabonde, universelle et dispersée, c’est ce que l’on appelle du nom de dilettantisme ; et elle est si peu l’amour de la vérité qu’elle en est presque le contraire !

Sachons donc un peu les vrais sens des mots.

« Aimer la vérité », — c’est l’aimer comme l’aima Pascal, d’un amour inquiet et jaloux, qui s’accroît de ses déceptions mêmes, et qui ne se désespère jamais de ne pas l’avoir trouvée, mais qui s’en console et qui s’en amuse encore moins ! « Aimer la vérité » , — c’est l’aimer comme l’aimait Bossuet, d’une affection forte et vigi-