Page:Brunetière - Cinq lettres sur Ernest Renan, 1904.djvu/33

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lante, qui ne souffre pas qu’on l’attaque, et dont l’effort s’applique, sans repos ni défaillance, à la défendre, à la répandre, à en étendre l’empire ! « Aimer la vérité », — c’est peut-être l’aimer comme l’aima Rousseau, qui ne fut qu’un sophiste, je le sais bien, ou plutôt un malade, mais qui, du moins, ne se reposa jamais dans la souriante et béate contemplation de ce qu’il appelait, à tort ou à raison, l’injustice. « Aimer la vérité », — c’est encore l’aimer comme l’a aimée Pasteur, d’une affection généreuse, agissante et féconde, qui ne la sépare ni ne la distingue de l’idée du bien qu’elle peut opérer en se révélant. Et « aimer la vérité », — c’est l’aimer comme l’aimait Taine, d’un amour patient et obstiné, laborieux et méthodique, si je puis ainsi dire, qui jamais ne se découragea d’un échec, et, au contraire, sembla toujours y puiser des forces nouvelles !

Telle n’a point été la manière de Renan.

Il n’a aimé la vérité qu’en dilettante et en épicurien, pour la beauté des choses qu’il en pouvait dire ; en « amateur », avec ou en dépit de tout son grec et de tout son hébreu ; en « ramasseur de coquilles » ; en collectionneur !…