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THÉORIE DU LIEU COMMUN.

de l’impie les foudres de la vengeance divine, » est-ce donner dans le lieu commun ? Assurément, répondra-t-on, et quelques-uns ne balanceront pas à dire : aussi complètement que l’on y puisse donner. Je ne suis pas tout à fait de leur avis. Il faut déjà distinguer.

Appeler Bossuet « l’aigle de Meaux », évidemment il n’est plus, il n’a jamais été de circonstance qui justifiât cette prétentieuse métaphore, et quiconque s’en sert est indigne d’excuse. Car elle n’est pas une façon de rendre hommage à Bossuet, mais un moyen de se dispenser d’avoir une opinion personnelle sur Bossuet. Or, il est bien permis, je l’avoue, de n’avoir pas sur Bossuet d’opinion personnelle ; seulement, la métaphore a ce grave inconvénient de donner à ceux qui s’en servent l’illusion qu’ils auraient une opinion sur Bossuet. C’est ce que je dirai de toutes les métaphores, ou similitudes, ou comparaisons du même genre. Quand nos excellents voisins les Allemands appellent Paris « la moderne Babylone », ils ont l’air de dire quelque chose, mais pourtant ils ne disent rien. Ils purgent leur bile. Autant en faisions-nous jadis lorsque nos poètes de l’empire appelaient l’Angleterre « la perfide Albion ». Toutes ces locutions aujourd’hui ne sont plus qu’autant de débris d’une langue perdue dans le lointain des âges.

C’est qu’en effet chaque siècle a sa phraséologie, son jargon, et, j’oserai le dire, sans plus de respect pour ces vénérables métaphores, chaque siècle a son argot. Les événements, les mœurs, le caprice, la