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THÉORIE DU LIEU COMMUN.

directe de la nature, incontestablement, s’il est un moyen de renouveler le lieu commun, c’est celui-là. Dans une admirable étude sur Alfred de Musset, M. Montégut, parlant du Spectacle dans un fauteuil et de cette jolie fantaisie : À quoi rêvent les jeunes filles, faisait observer comme le poète, en les retrempant à leur source et les baignant dans la nature ambiante, avait rafraîchi, rajeuni, renouvelé toutes ces éternelles comparaisons ou métaphores du langage de l’amour. C’est le procédé de tout poète. C’était le procédé de Virgile quand il imitait les alexandrins dans ses Bucoliques et les cycliques grecs dans son Énéide : c’était le procédé de Shakspeare quand il s’appropriait la littérature de nos cours d’amour, les chansons italiennes et les chansons provençales. Mais vous voyez comme les exemples concourent à prouver ce que nous avancions. Le thème était à tout le monde, le poète le marque à son signe, et comment s’y prend-il ? Est-ce en cherchant laborieusement des combinaisons de sons inusitées, ou des images imprévues ? Non pas, mais au contraire, et c’est en retournant à la source commune où tout le monde pouvait puiser comme lui.

On prétend quelquefois qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, et on a raison ; mais quiconque réfléchira verra bien que, quand rien n’est nouveau, c’est exactement comme si tout était toujours nouveau. L’homme ne change pas, mais, à chaque génération, les hommes se renouvellent. Il se peut que le pro-