Page:Brunetière - Honoré de Balzac, 1906.djvu/110

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C’est tout justement ce que je pense qu’il ne faut pas faire. Il ne faut pas le faire, parce que les romans de Balzac ne sont pas des récits isolés, dont chacun se suffise à lui-même, ni qui puissent donc être jugés ou appréciés indépendamment, et comme par abstraction de l’ensemble dont ils font partie. Cette raison, qui était excellente en 1850, est aujourd’hui meilleure encore, après un demi-siècle écoulé. Mais il ne faut pas le faire, il ne faut pas comparer Eugénie Grandet à Carmen, ou les Parents Pauvres au Juif-Errant, — pas plus que l’on ne compare la comédie de Molière aux drames de Sedaine ou de Diderot, — parce que Carmen et Eugénie Grandet, les Parents Pauvres et le Juif-Errant, ne procèdent pas de la même intention, ni, comme nous le montrerons, du même système d’art. Ou plutôt encore, les Parents Pauvres et Eugénie Grandet ne procèdent, en vérité, d’aucun système d’art, mais d’une intention générale de « représenter la vie », fût-ce aux dépens de ce qu’on avait jusqu’à Balzac appelé du nom d’art ; — et on ne peut donc, pour les juger ou les apprécier, les « comparer » qu’avec la vie.