Page:Brunetière - Honoré de Balzac, 1906.djvu/135

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fortune, il avait le sentiment de ce qui lui manquait. Mais, précisément, c’est ce qui manque à Crevel, le sentiment de quelque chose qui lui manquerait, ou que quelque chose pourrait lui manquer ! et devant quelles « supériorités sociales » ce bourgeois s’inclinerait-il, s’ils sont devenus, lui et ses pairs, depuis 1830, et en trois jours, toutes les supériorités sociales ? Et, en effet, qu’y a-t-il au-dessus d’un bourgeois libéral de 1840 ; d’un homme qui « s’est fait lui-même » ; et à qui son succès est une preuve de son mérite, sa fortune, une garantie de son intelligence, la considération qui l’entoure, un témoignage du prix que les autres hommes attachent à tout ce qu’il possède ? un homme qui n’a qu’un signe à faire pour devenir, sous le nom de député, une fraction du souverain de son pays ? et que la vente en gros de l’ « eau carminative » ou de l’ « huile de Macassar » a rendu l’égal de toutes les besognes sous lesquelles autrefois ont plié les Turgot et les Colbert, les Mazarin et les Richelieu ? Ce bourgeois, c’est Crevel ! et Balzac n’a jamais tracé de portrait plus criant de ressemblance, qui soit moins une caricature en ce qu’il