à cet égard encore, on ne peut pas être moins romantique que Balzac ; et quelques types singuliers ou exceptionnels de force et de grandeur, — Grandet ou Bridau, Vautrin ou Hénarès, des ducs de Soria, — que l’on puisse rencontrer dans son œuvre, ce que cette œuvre est essentiellement, c’est une réhabilitation, si je puis ainsi dire, de « l’humble vérité », de la vérité quotidienne, de cette vérité dont la comédie même, et le vaudeville, et le roman, jusqu’à Balzac, ne s’étaient inspirés, tant ils la trouvaient vulgaire ! que dans une intention de caricature ou de satire évidente. Et enfin, si le romantisme a surtout consisté dans l’étalage du Moi de l’écrivain, ou encore dans la réduction systématique du spectacle du vaste monde au champ de la vision personnelle du poète ou du romancier, qui niera qu’au contraire l’œuvre entière de Balzac ne soit un perpétuel effort pour subordonner sa manière individuelle de voir, — nécessairement étroite, et « simpliste » en tant qu’individuelle, — au contrôle d’une réalité qui lui est par définition extérieure, antérieure, et supérieure ? Non, assurément, Balzac n’est pas un romantique !
Page:Brunetière - Honoré de Balzac, 1906.djvu/153
Apparence