Page:Brunetière - Honoré de Balzac, 1906.djvu/239

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Je ne trouve pas, pour ma part, qu’en aucun endroit de son œuvre, le style de Balzac, et quoi que d’ailleurs on en pense, ait ces qualités de séduction, de grâce impudique et perverse, de pénétration subtile, et de fluidité savante, que Sainte-Beuve lui prête. Il y a, dans la nature même de Balzac, une indélicatesse ou, si l’on pouvait ainsi s’exprimer, une non-délicatesse native, qui est le contraire de ce que de telles qualités impliqueraient de souplesse et de raffinement. Mais une chose est ici merveilleusement vue, — et surtout pour l’avoir été du vivant même de Balzac, ou peu s’en faut, — qui est la liaison de sa « manière d’écrire » et de son « immoralité », en tant qu’elles sont l’une et l’autre une conséquence nécessaire de sa conception du roman. L’irrégularité de son style et l’immoralité de son œuvre procèdent ensemble, et ne procèdent peut-être, que de la ressemblance même de son roman avec la vie.

C’est ce que je suis tenté de croire quand je vois, sous ce nom d’immoralité, qu’on lui reproche encore des sujets comme celui du Père Goriot, ou de la Rabouilleuse, ou du Cousin Pons,