Page:Brunetière - Honoré de Balzac, 1906.djvu/244

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même. Ce que nous permettons à Saint-Simon, pourquoi le refuserons-nous à Balzac ? et, si l’on prétend que les personnages de Saint-Simon ont pour eux d’avoir existé, que nous importe, à nous, qui ne les connaissons que par lui ? La poésie n’est-elle pas souvent « plus vraie » que l’histoire ? et lequel des deux est le « plus romanesque », de Rastignac, ou du fameux Lauzun ?

Qu’est-ce donc à dire ? et sous ce nom d’ « immoralité », ce que l’on dispute ou ce que l’on conteste à Balzac, ne serait-ce pas sa conception d’art ? ce que l’on refuse de reconnaitre au roman, ne serait-ce pas le droit, qu’il réclame depuis Balzac, à la « représentation totale de la vie ? » Nos critiques et nos historiens de la littérature n’ont pas l’air de s’en apercevoir, mais l’art n’est toujours pour eux, comme pour nos maîtres, depuis Boileau jusqu’à Sainte-Beuve, qu’un « choix », et par suite une limitation. Le principe de cette limitation, et la raison de ce choix peuvent d’ailleurs