Page:Brunetière - Honoré de Balzac, 1906.djvu/58

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rentrait dans sa mansarde, — les métiers qui suent au labeur, ou le marchand qui vendait de la toile à l’enseigne du Chat-qui-pelote. C’est une des raisons pour lesquelles la substance et la vie manquaient au roman, qui, de tous les genres, est sans doute celui dont les racines doivent plonger le plus profondément dans la réalité. Si le roman, avec d’autres qualités, — d’intérêt et d’émotion, d’éloquence et de pathétique, — n’était qu’une très pâle imitation de la vie, c’est que la plupart des romanciers n’avaient pas eux-mêmes vécu, au sens propre, au sens réel, au sens « affairé », du mot, si je puis ainsi dire ; et ils s’étaient généralement mis, en se faisant hommes de lettres au sortir du collège, dans une situation à regarder passer la vie du fond de leur cabinet.

Mais Balzac, lui, a vraiment vécu ! Son expérience a été pratique et effective ; s’il ne l’a vas continuée longtemps, — quoique trois ans, et à l’âge qu’il avait alors, de vingt-six à vingt-neuf ans, soient quelque chose dans une existence d’homme, — il l’a prolongée dans le sens où les circonstances, et le hasard, si l’on veut, l’avaient une fois orientée. De