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Page:Brunetière - L’Évolution de la poésie lyrique en France au dix-neuvième siècle, t2, 1906.djvu/190

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L’ÉVOLUTION DE LA POÉSIE LYRIQUE


pturale même, si vous le voulez, quel est, Messieurs, dans un de nos musées, quel est le Laocoon ou le Taureau Farnèse que n’égale, que ne surpasse même, — puisque tout n’est pas louable dans ces marbres fameux[1], — le court, l’énergique, et, pour ainsi parler, l’athlétique poème d’Hèraklès au taureau. C’est le soir, et les taureaux rentrent :


En avant, isolé comme un chef belliqueux,
Phaétôn les guidait, lui, l’orgueil de l’étable,
Que les anciens bouviers disaient à Zeus semblable,
Quand le Dieu triomphant, ceint d’écume et de fleurs,
Nageait dans la mer glauque avec Europe en pleurs.
Or, dardant ses yeux prompts sur la peau léonine
Dont Hèraklès couvrait son épaule divine.
Irritable, il voulut heurter d’un brusque choc
Contre cet étranger son front dur comme un roc.
Mais, ferme sur ses pieds, tel qu’une antique borne,
Le héros d’une main le saisit par la corne,
Et sans rompre d’un pas, il lui ploya le col.
Meurtrissant ses naseaux furieux dans le sol.
Et les bergers en foule, autour du fils d’Alkmène,
Stupéfaits, admiraient sa vigueur surhumaine.
Tandis que, blancs dompteurs de ce soudain péril.
De grands muscles roidis gonflaient son bras viril.


Ce qui est cependant presque plus remarquable encore que la singulière beauté de ce morceau, c’est le bonheur, ou le talent avec lesquels, dans Qain

  1. Je veux dire par là que, comme le savent tous les archéologues, ils appartiennent à une époque de décadence, étant de l’école de Pergame, dont les chefs-d’œuvre sont à l’école de Phidias, de Praxitèle ou de Lysippe, ce que les chefs-d’œuvre du Guide sont à ceux de Titien, de Corrège et de Michel-Ange.