qui corrompent systématiquement la morale, nous
ne demandons à ceux qui dénaturent, qui dégradent,
qui déshonorent la notion même de l’art, que de le
faire avec art ; et en réduisant à ce seul point les
exigences de notre critique, nous croyons faire
preuve d’indépendance, de liberté, de largeur d’esprit.
Mais la vérité vraie, c’est que, si nous pouvons,
si nous devons pardonner quelque chose à la sottise
ou à la médiocrité, — quoique d’ailleurs elles fissent
mieux de ne pas écrire, — ni le talent ni le génie
n’ont de droits qui ne leur imposent des devoirs,
auxquels, quand ils manquent, il importe qu’on les
rappelle. Puisqu’il n’y a pas de livre, même de vers,
qui ne soit un acte en quelque manière, il ne nous
est pas permis de ne pas envelopper la considération
de ses conséquences dans le jugement que nous en
portons. Reconnaître, ou même admirer le talent, et
l’approuver, sont deux choses ; lui élever des statues
en est une troisième encore ; — et voilà pourquoi
je proteste contre le projet d’élever une statue à
l’auteur des Fleurs du mal.
Je sais ce que diront là-dessus les sceptiques, et j’entends d’ici les bons plaisants. Que de bruit pour un morceau de marbre ! et s’il plaît à quelques i mues gens d’en consacrer tout un bloc à la mémoire de Charles Baudelaire, non seulement c’est leur affaire, mais n’y a-t-il pas quelque chose d’outrageusement prudhommesque à vouloir les en dissuader ? Qu’est-ce que prouve une statue ? Combien d’imbé-