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pour l’humanité, ni par conséquent pour l’art même. Mais ce qui est ici plus important, c’est de suivre dans l’œuvre du poète le développement de ses prémisses, et, à mesure, de voir ses leçons s’opposer point par point à celles des romantiques.

Ce que son exemple enseignait donc d’abord, c’était la religion de l’art et le respect étroit de la forme. Aucune leçon plus nécessaire alors, aux environs de 1852, si, dans le silence que gardait Hugo depuis une douzaine d’années, la désinvolture de Lamartine et le dandysme littéraire de Musset ayant fait école, on n’avait besoin de rien tant que de rapprendre à faire des vers qui fussent des vers. Il n’y en pas de plus beaux dans la langue française que ceux de Leconte de Lisle. C’est toujours Midi qu’on en cite pour preuve :


Midi, roi des étés, épandu sur la plaine
Tombe en nappes d’argent des hauteurs du ciel bleu ;


et j’ose au moins les rappeler à mon tour, maintenant que le poète est mort. Car, je dois en convenir, il n’aimait pas beaucoup qu’on les citât, et de voir son nom les ramener comme invinciblement sur les lèvres, cela lui faisait un peu le même effet qu’à Flaubert de s’entendre toujours appeler l’auteur de Madame Bovary. Mais on peut parcourir au hasard le recueil des Poèmes antiques.


Ô jeune Thyoné, vierge au regard vainqueur,
Aphrodite jamais n’a fait battre ton cœur.