Aller au contenu

Page:Brunetière - Nouveaux essais sur la littérature contemporaine, 1897.djvu/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’exagération, ou, comme on dit encore, de l’outrance en tout, qui n’est pas l’un des traits les moins intéressants et les moins déplaisants de leur physionomie commune, — on sait peut-être où ils avaient finalement abouti, à quelle ridicule anatomie et à quel insolent étalage d’eux-mêmes ! Si leur maîtresse les trompait, ils croyaient devoir en informer l’univers. Et en effet, Lamartine, Hugo, Musset, Sainte-Beuve ne leur en avaient-ils pas donné l’exemple ? comme aussi celui de se confesser publiquement ; et certes Dieu n’y gagnait rien, non plus que la morale, mais la poésie ne s’en portait pas mieux.

Rien n’était plus contraire au génie de Leconte de Lisle, et sur ce point encore on ne saurait imaginer de contradiction plus flagrante que celle des Poèmes antiques, et des Feuilles d’automne, par exemple, ou des Nuits, de Musset.


Tel qu’un morne animal, meurtri, plein de poussière,
La chaîne au cou, hurlant au chaud soleil d’été.
Promène qui voudra son cœur ensanglanté
Sur ton pavé cynique, ô plèbe carnassière !

Pour mettre un feu stérile en ton œil hébété
Pour mendier ton rire ou ta pitié grossière
Déchire qui voudra la robe de lumière
De la pudeur divine et de la volupté.

Dans mon orgueil muet, dans ma tombe sans gloire,
Dussé-je m’engloutir pour l’éternité noire,
Je ne le vendrai pas mon ivresse ou mon mal,

Je ne livrerai pas ma vie à tes huées,
Je ne danserai pas sur ton tréteau banal,
Avec tes histrions et tes prostituées.