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Page:Brunetière - Nouveaux essais sur la littérature contemporaine, 1897.djvu/178

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Tous ceux qui l’ont connu savent avec quelle fidélité ces vers célèbres exprimaient le fond de sa pensée. Peu communicatif de sa nature, et mêlant d’ordinaire à des façons d’une politesse exquise une nuance d’ironie hautaine, mais toujours maître de lui, si l’on voulait le faire sortir de sa réserve habituelle, on n’avait qu’à le mettre sur ce thème, et on voyait bien alors qu’il ne pardonnerait jamais aux romantiques cette prostitution de l’art à des usages indécents. Les Montreurs ! c’est le titre qu’il a donné lui-même à ce sonnet, dont l’énergique brutalité témoigne de la profondeur de son indignation. Je n’ai pas besoin d’ajouter après cela qu’observateur religieux de ce premier article de son esthétique, c’est à peine si, deux ou trois fois dans son œuvre, il a fait allusion à l’histoire de ses sentiments personnels, — dans le Manchy, l’une de ses pièces les plus connues, et dans l’Illusion suprême, —


Celui qui va goûter le sommeil sans aurore,
Dont l’homme ni le Dieu n’ont pu rompre le sceau,
Chair qui va disparaître, àmeqiii s’évapore,
S’emplit des visions qui hantaient son berceau.

Rien du passé perdu qui soudain ne renaisse :
La montagne natale et les vieux tamarins,
Les chers morts qui l’aimaient au temps de sa jeunesse,
Et qui dorment là-bas dans les sables marins.

Encore n’est-ce qu’un soupir, aussitôt réprimé qu’échappé du cœur trop plein du poète ; et l’involontaire aveu s’évanouit dans la splendeur du paysage :