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Page:Brunetière - Questions de critique, 1897.djvu/15

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SUR UN BUSTE DE RABELAIS

qu’ainsi l’on ne peut caractériser qu’en les distinguant tout d’abord de leur œuvre.

Je ne saurais trop appuyer sur ce trait : Rabelais, correspondant et ami du savant Budé ; commensal de Geoffroy d’Estissac, évêque de Maillezais ; secrétaire de Jean duBellay, cardinal-évêque de Paris ; médecin de l’autre frère, Guillaume, seigneur de Langey, vice-roi du Piémont ; protégé à la fois des Guises et des Châtillons, Rabelais, s’il fallait voir en lui le biberon de la légende et le propre original de son ignoble Panurge, n’eût pas duré trois mois dans les palais ni dans la compagnie de tous ces grands personnages, qui peut-être lui eussent passé, selon les mœurs du temps, la débauche et l’orgie, mais non pas la crapule. Protecteurs et amis, ils nous sont autant de témoins de la dignité de sa conduite. Mais la souplesse nous en est à son tour démontrée par ses rapports avec ses évêques et avec la cour de Rome. Cordelier, il demande à passer de son ordre dans un autre, et on le lui accorde ; fatigué d’être moine, il se défroque, et on le laisse faire ; il veut i éprendre l’habit, on le lui permet, et on l’investit même d’un canonicat, et, en dépit de Panurge et de frère Jean des Entommeures, des Papefigues et des Papimanes, on lui confère une première cure en 1543 et une seconde en 1550 : c’est celle de Meudon, que, d’ailleurs, selon toute apparence, il n’a jamais occupée, mais dont au moins il a perçu les fruits. On n’a pas de ces complaisances pour un ennemi, on n’en a