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Page:Brunetière - Questions de critique, 1897.djvu/232

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222 QUESTIONS DE CRITIQUE eux-mêmes comme les principales et les plus hono- rables, ils se rendent eux-mêmes odieux à tout le monde. » C’est de Montaigne qu’il parlait en ces termes, ou à propos de Montaigne, qui a cependant bien des excuses; quand ce ne serait que celle d’avoir vécu, lui, dans un temps où chaque pas que Ton faisait dans la connaissance de soi-même, on le faisait pour ainsi dire dans la découverte de l’homme. Qu’eût-il donc dit, s’il eût pu lire, comme nous, les Mémoires de Saint-Simon, les Confessions de Rous- seau, les Mémoires de Chateaubriand! Je choisis, on le voit, mes exemples. Mais les Mémoires eux- mêmes de quelques hommes qui, maîtres un moment des affaires, ont pu se dire avec raison que leur témoi- gnage importerait un jour à l’histoire, ne seraient pas tout à fait exempts de ce genre de reproches : tels sont entre autres les Mémoires de Sully, ceux de Richelieu, ceux du cardinal de Retz ou du maréchal de Villars. C’est toutefois et surtout des Journaux et des Confessions que l’observation de Malebranehe est vraie. Passe encore, si l’on veut, pour l’auteur d’Emile et de la Nouvelle Iléloïse, ou pour celui d’Atalaj de René^ du Génie du christianisme : ils avaient fait assez de bruit dans le monde; l’admira- tion publique leur avait donné d’assez singuliers témoignages de leur valeur, et d’assez significatifs; ils n’étaient pas tenus, après tout, de penser d’eux- mêmes moins de bien que n’en avaient écrit leurs