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Page:Brunetière - Questions de critique, 1897.djvu/236

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226 QUESTIONS DE CRITIQUE la plupart, de rien tant que de sincérité? Car, j’y con- sens, dans l’ignorance habiluelle où nous vivons les uns des autres, ce pourrait être une chose curieuse, un (( document » précieux qu’une confession sincère, véridique et sincère. Mais où est-elle, cette confession ? et qui Ta jamais faite? et qui jamais ira la faire? Sans compter, en effet, qu’il y aura toujours une partie de nous-mêmes qui nous échappera, et, comme disent les philosophes, sans compter que l’effort même que nous faisons pour nous observer détruit en nous ce que nous observons, ou tout au moins le déforme, on ne se peindra jamais qu’en buste, c’est-à-dire on ne se confesserajamais publiquement que des défauts ou des vices qu’il est presque glorieux d’avoir, et dont l’usage du monde, s’il ne fait pas proprement des ver- tus, fait au moins des qualités. Qui s’est jamais vanté d’ôlre fourbe, hypocrite ou lâche? qui s’est jamais publiquement accusé d’avoir eu l’âme basse et cupide ? ou seulement de n’avoir eu dans la vie que son amour- propre pour loi, son intérêt pour guide, et sa fortune pour but? De sorte que c’est précisément ce qu’il nous serait instructif de savoir (|ue les auteurs de Mémoires nous cachent; ils ne nous parlent que de ce qui, les relevant eux-mêmes à leurs yeux, peut, à ce qu’ils croient du moins, les relever également aux nôtres, jamais de ce qui les rabaisserait; et les rares aveux qu’ils ont laissé parfois échapper, c’est en dépit d’eux, sans le savoir eux-mêmes, et parce que, quelque apprêt que l’on mette à écrire son Journal^ la nature,