Aller au contenu

Page:Brunetière - Questions de critique, 1897.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LA LITTERATURE PERSONNELLE 2^27 plus forte, finit par remporter sur le calcul et sur l’art. C’est toujours le cas de Rousseau. Si Rousseau ne s’était pas senti coupable de beaucoup de choses qu’on lui reprochait, il n’aurait pas écrit ses Confessions^ qui n’ont eu pour objet que de le disculper, en trans- portant la cause de ses fautes aux autres. Mécon- tent de lui-même, cela lui déplaisait qu’on le vît tel qu’il était. En nous hh^ni ses Coiifessions, il voulait nous donner le change, et, après tout, le calcul n’a pas été mauvais, puisqu’on dispute encore de ce qu’il fut. Mais alors, qui trompe-t-on ici^ quand on parle de sincérité ? Car, à vrai dire, s’il s’est confessé, c’est pour arranger la vérité selon ses convenances, en bon français pour la défigurer. Il a craint qu’on ne la découvrît, s’il ne laissait après lui parler pour lui que ses œuvres et ses actes, et, entre eux et elle, il a interposé, si je puis ainsi dire, le mensonge de ses Confessions. Ce n’est pas un aveu qu’il a fait, c’est une précaution qu’il a prise contre la postérité. Ses Mémoires ne sont pas ceux de l’homme qu’il fut effectivement, ni même de l’homme qu’il eût voulu être, c’est tout simplement le roman de ce qu’il a voulu qu’on le crût. Je ne craindrai pas d’ajouter que, si l’histoire est si difficile à débrouiller, c’est qu’il en est de la plupart des Mémoires comme des Confessions de Rousseau. Ce n’est pas le lieu de parler des erreurs de perspective coutumières aux contemporains sur les faits dont ils