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Page:Brunetière - Questions de critique, 1897.djvu/242

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232 QUESTIONS DE CRITIQUE constamment attentifs à ne pas choquer ses habitudes, respectueux de l’opinion moyenne, qu’ils ne contre- /disent jamais qu’avec mesure, et profondément j convaincus enfin deTexistence d’une vérité géné rale , I impersonnelle et universelle, dont ils ne sont que les V^nterprètes. Mais tout d’un coup la scène change, et l’éloquence d’un seul homme opère brusquement une révolution. Déjà les romanciers. Le Sage lui-même. Marivaux, Prévost, Crébillon, comme si l’on connaissait de l’homme universel à peu près tout ce qu’on en pou- vait connaître, s’étaient attachés, dans Gil DlaSy dans Manon Lescaut, dans Marianne^ à noter l’accident et la particularité, ce qui distingue un homme d’un autre homme, le trait individuel et caractéristique, ce que c’est ou ce que devient, selon l’expression de l’un d’eux, « la femme dans une petite lingère et l’homme dans un cocher de fiacre». Chose curieuse, d’ailleurs ! et qui vaut la peine, en passant, yd’ètre notée : tous ces romans étaient autant de

récits personnels, de Mémoires ou de Confessions. On 

/ne sait ce qui leur avait manqué pour faire école. Mais, où ils avaient échoué, l’auteur de la Nouvelle Iléloïse, de VÉmile et des Confessions allait réussir, et, en réussissant, accomplir l’une des plus grandes ^ révolutions littéraires qu’il y ait dans l’histoire. Si je voulais définir d’un mot Jean-Jacques Rous- seau presque tout entier, je dirais qu’il me représente, ■4ûW>V^tà lui tout seul, l’invasion du plébéien dans la littéra-