Page:Bruno Destrée - Les Préraphaélites, 1894.djvu/15

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d’époques écoulées, celui qui est le mieux en rapport avec leur tempérament, et toute leur vie ils s’efforceront de se rapprocher autant qu’ils le peuvent de l’esprit de cette époque artistique préférée ; ils passeront ainsi leur vie en vains efforts et en produisant un travail sans intérêt, parce que, comme je l’ai déjà dit, il est absolument impossible de faire revivre l’esprit d’une période artistique et parce que ce ne serait jamais d’ailleurs qu’un travail inutile, cet esprit ne pouvant pas se trouver en concordance avec nos besoins, nos aspirations et nos souhaits modernes. La conséquence de tout ceci est que dans des pays où une tradition artistique existe, comme en Belgique et en France par exemple, et où il semble donc que les arts décoratifs pourraient se développer plus aisément qu’en Angleterre où cette tradition artistique n’existe guère, c’est tout le contraire qui se produit : les arts décoratifs, privés du concours d’artistes créateurs, sont devenus pour le moment des arts d’imitation, mécaniques et inintéressants.

Si nous remontons aux origines de ce développement des arts décoratifs en Angleterre, nous trouvons ce mouvement artistique intimement lié à celui des peintres préraphaélites anglais, y puisant sa source, ayant les mêmes inspirations et le même idéal. Pour se rendre un compte exact des progrès de ces arts mineurs en Angleterre, il semble donc indispensable d’étudier tout d’abord le mouvement artistique de ces peintres préraphaélites et, en étudiant ce mouvement, on pourra juger de la dette de profonde reconnaissance que l’Angleterre a contractée envers ces quelques hommes qui, n’écoutant que leur conscience artistique et suivant opiniâtrement l’idéal qu’ils s’étaient fixé, arrivèrent enfin, à force de talent, de courage et de travail, à faire triompher cet idéal, à l’imposer aux amateurs d’art de leur pays et à élever et épurer insensiblement le goût de la nation tout entière. Une pareille transformation ne se fit naturellement pas du jour au lendemain ; elle ne se fit, au contraire, que graduellement,

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