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L’école est avant tout un autre catéchisme, une maison où on apprend le catholicisme, ses dogmes, ses pratiques, sa morale. « Il s’agit de sauver son âme, dit M. Fosseyeux, plutôt que de former son jugement. Cet enseignement reste bien une des formes de la charité chrétienne[1]. » Je ne veux pas dire que l’enfant n’y apprend pas à lire. Nous verrons quoi et comment ; il apprend aussi à compter par jetons, parfois même à écrire et à calculer par écrit. Mais ces « sciences humaines » doivent servir aux autres. Comme ailleurs la philosophie, elles sont servantes de la théologie, d’une théologie enfantine, celle du catéchisme et de l’histoire sainte.

Avec le temps on ajouta quelques accessoires au programme essentiel, car il était impossible qu’on n’aperçût pas l’utilité pratique de certaines connaissances, d’un peu d’orthographe par exemple, de divers travaux manuels aussi. Mais l’école, née des prescriptions de l’Église, de la charité d’un curé ou d’un particulier, restait malgré tout une fondation pieuse. Elle portait, tout naturellement, la marque de son origine. C’est là un fait que personne n’a songé à nier, il n’était pas niable ; même entre des mains laïques, elle était une maison d’instruction religieuse. Dès lors, il était tout naturel qu’on songeât, après la Révocation, à l’employer pour vaincre la résistance acharnée qu’on trouvait dans les familles des « nouveaux-convertis ».

La Révocation de l’Édit de Nantes et la multiplication des écoles. — Presque tous les évêques, consultés, furent d’accord sur ce point, les enfants des hérétiques devaient être envoyés aux écoles, là où il en existait, dût-on pour cela les ravir de force à leur famille ; ailleurs, il fallait créer des écoles[2]. Plusieurs ne se faisaient pas illusion et savaient que l’influence de la famille détruirait celle des maîtres ; à presque tous, cependant, le moyen paraissait bon, sinon suffisant[3].


    divisé en quatre parties. La première contient « les qualités et les vertus de ceux qui instruisent les enfants, ce sont la foi, l’espérance et la charité ». La deuxième donne « des moyens faciles pour elever les enfants à la pieté par l’assistance aux offices divins et aux instructions qui se font dans leur paroisse ». C’est la troisième et la quatrième seulement qui traitent des méthodes et des matières de l’enseignement. Encore cette dernière n’est-elle pas tout entière réservée aux sujets profanes.

  1. O. c., 74.
  2. Voir les Mémoires des évêques de France sur la conduite à tenir à l’égard des réformés (1698, éd. J. Lemoine, Paris, Picard, 1902, p. 14, 46, 63, 79, 159, 210, etc.).
  3. En 1686, en Béarn, le roi ordonne la nomination d’un ecclésiastique « qui n’ait autre occupation que de parcourir tous les lieux du diocèse pour visiter les maîtres d’école, examiner s’ils s’acquittent de leur devoir, et les aider de ses conseils pour le bien remplir » (Sérurier, Instr. prim. en Béarn, Pau, 1874, p. 21). On trouve dans le Bulletin de la Société de l’histoire du protestantisme plusieurs articles qui