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ville tant soit peu policée, que pour y faire des souliers, pour y tailler des habits, pour y forger des serrures et des clefs, il faille avoir fait son apprentissage sous quelque Maistre pendant plusieurs années, et avoir passé en suite par l’examen des plus Experts de la profession. Et pour la prémiere instruction des Enfans qui est de si grande consequence, qu’il soit permis à tous indifferemment de l’exercer : et à des jeunes Gens qui sont sans experience, et qui sont encor Escoliers pour la pluspart, d’aller faire leur apprentissage et leurs coups d’essais aux despens de ces pauvre[s] petits. Le remede à ce mal comme à beaucoup d’autres, seroit celuy que j’ay dit, de prendre un quartier, y establir une bonne Escole, et puis travailler tout le mieux que faire se pourroit, pour doner un exemple, d’une instruction facile et naturelle qui fust sans contredit » (o. c., 12-13).

Et l’idée de fonder une école normale se présente à Démia qui la réalise. En 1671, une communauté est créée à Lyon pour former les maîtres-hommes. Des lettres patentes de 1681 en confirment l’établissement. En 1687, une communauté analogue s’ouvre pour les femmes. Dans l’intervalle, J. B. de la Salle a fondé à Reims son séminaire des maîtres d’école. Meslier en voudrait un à Paris, où on se concerterait sur les méthodes et où on ferait des expériences pédagogiques[1]. Il y est même noté, et la chose importe à mon sujet, que le bon langage serait une des matières des études. Beaux projets qu’on n’était pas à la veille de réaliser ![2]

Les maîtres d’école et la langue française. — En réalité, l’enseignement, dans beaucoup d’endroits, se donnait en patois, aussi bien à l’école, qu’à l’Église. Le successeur de Godeau, l’évêque Thomassin, en publiant les homélies de son prédécesseur, rapportait que l’évêque académicien eût changé volontiers sa langue contre le

  1. Les Frères en eurent une quelque temps, entre 1699 et 1705 (Fosseyeux, o. c., 66).
  2. On y enseignerait aux « Maîtres la maniere de bien faire le Catechisme, de bien lire le Latin, et le François, en établissant s’il se pouvoit une grande uniformité de langage, banissant certain patois corrompu. On leur montreroit l’art de bien écrire, et de bien chifrer : On leur enseigneroit encore, si l’on vouloit, les Elemens d’Euclyde, le Plainchant, l’Honnêteté ; la Civilité, et toutes les autres choses, dont les Maîtres pourroient etre instruits eux-mêmes dans un lieu où l’on feroit profession d’enseigner tout ce qui seroit necessaire pour la perfection de la jeunesse. » (Avis important, Touchant l’établissement d’un espece de Seminaire pour la formation des Maîtres d’Ecole. (Bib. Maz., A. 10694, 103e pièce).
    Généralement, au dire de Meslier, on fonde l’Ecole, qui est comme le corps, et on ne fonde pas l’instruction qui en est comme l’âme et la vie. Il « faudroit en premier lieu examiner et arrester la façon d’enseigner la meilleure et la plus naturelle, et la plus facile » consulter les plus expérimentés, ensuite faire essayer par un homme capable » (Avis touchant les petites Escoles, 6-7).
    Le maître devrait rendre compte chaque mois par un examen public, de façon que « ny Maistre ny Escolier n’en sçauroit faire accroire aux parens. » (o. c., 11).