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La carrière était dure et peu rémunératrice. Rarement un homme de valeur voulait l’embrasser. « Ces sortes de gens n’ont ni feu, ni lieu », dit l’intendant du Poitou au Contrôleur général, le 4 Décembre 1701[1]. Là où il y avait des épreuves, elles semblent avoir été en général les suivantes : lecture, et chant au lutrin, ensuite écriture, et calcul[2].

Ignorance des maîtres. — Il ne faut pas croire que cet état fût seulement celui des campagnes. À Lyon, Démia écrit : « La plupart des maîtres ignorent la méthode de bien lire et écrire[3]. » Au premier abord on est tenté d’admettre que le grand réformateur exagère, comme tous les autres, enclins à grossir les maux qu’ils veulent guérir. Mais il faut croire qu’on partagea sa manière d’apprécier les choses, puisque l’archevêque de Lyon l’autorisa à tout réorganiser. Encore après sa réforme, les inspecteurs créés par lui trouvent-ils non point des enfants, mais des institutrices qui ne savent pas bien lire. Il faut dire qu’elles ont « pourtant des dispositions à cela » ; le visiteur ajoute du reste que le mari de l’une d’entre elles, instituteur dans la même école, a été chargé de la perfectionner à la lecture. D’un instituteur aussi, on rapporte qu’il ne sait pas lire. On ne l’a pas pour cela révoqué, on lui a seulement ordonné de se faire instruire par un de ses collègues. Une telle, au contraire, « lit bien », c’est un mérite qui vaut qu’on le signale[4].

Sur Paris, certains nous ont fait aussi de grandes plaintes. Il n’est que d’écouter Jean Meslier, qui tenait une école faubourg Saint-Marceau. D’abord, les bâtiments et le matériel étaient misérables[5]. Mais le personnel, suivant l’auteur, était plus médiocre encore. « C’est une chose bien estrange, s’écrie-t-il, de voir en une

  1. De Boislisle, Corr. Control. gén., II, no 314.
  2. Réception et examen d’Arnaud de Courtade, maître d’école, par le curé et les jurats de Louvie-Juzon, 24 Août 1684 : Voici le procès-verbal : Apres que aussi loudit de Lane, non esten satisfeit, a quitat ladite assemblade et percistat en son oposition, nonobstant que per ladite assemblade en procedin a l’exécution de la précédente délibération, aben feit presentar loudit de Courtade, loudit sieur d’Espalungue lou a feit entrar à l’egleise, feyt legir et cantar, et ensuite, esten rentratz en l’assemblade, lou auren feit escriber et feit far chiffres, de tau sorte que lui seré estat reconegut capable d’exerçar la charge de regent per l’instruction deus enfans deu Bourdalat et en conséquence seré estat recebut per exerçar ladite charge (Serurier, o. c, 39-40).
  3. Compayré, Démia, 47.
  4. Id., Ibid., 49.
  5. Il y a des « Bastimens, de Religieux, de Religieuses,… vous ne les sçauriez compter, et pour de magnifiques Escoles, et amples sales… combien y en-a-t-il ? Vous ne les sçauriez non plus compter, car il n’y en a point (Avis touchant les petites Escoles. Bib. Maz., A. 10 694, 73e pièce, p. 14).