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vive et tenace, et il faut descendre jusqu’en 1705 pour trouver dans l’Université de Paris un maître qui adopte nettement l’avis de Port-Royal et veuille faire précéder les études latines d’études françaises, c’est Laurent Mauger, maître ès arts, dont la grammaire destinée à des élèves qui ne feront du latin que plus tard, parut à Rouen à cette date.

LES LIVRES DE CLASSE. — Dans les classes de grammaire et d’humanités, le français entra par lés livres destinés à la traduction. On était obligé, depuis longtemps, de tolérer des livres avec une partie française. Quand on voudra faire en détail l’histoire que j’ébauche ici, il faudra tenir le plus grand compte d’un pareil élément, si important. Les « maîtres muets » étaient devenus bilingues. C’étaient : 1° Les dictionnaires et vocabulaires, qui s’étaient succédé, des Morel au P. Pajot et à Danet ; 2° Les livres de stylistique, recueils d’ensemble ou livres spéciaux, tels les Commissuræ gallico-latinæ, Lyon, N. Gay, 1649, ou les Particules du P. Pomey ; 3° Les manuels de traduction, tels les Rapports de la langue latine avec la françoise pour traduire élégamment, Paris, Vve Cl. Thiboust et Pierre Esclassay, libr. juré de l’Univ., 1672, in-12° ; 4° Les grammaires latines en français ; ainsi celle de J. Meslier, Paris, Fr. Pélican et Séb. Fengé, 1647, 8° 1.

Mais il faudrait bien se garder de croire que l’usage des classes fut changé complètement par suite de l’introduction de ces livres. Les maîtres continuaient et devaient continuer à enseigner en latin, et à parler latin. Le règlement demeurait impérieux là-dessus. Toute négligence était une faute contre le devoir professionnel, dont un régent devait se confesser. L’examen général de tous les états et conditions et des péchez que l’on y peut commettre (Paris, G. Desprez, 1711, tome II, 172) prescrit aux maîtres d’examiner s’ils ont porté les Ecoliers autant qu’ils ont pu à parler continuellement latin. Eux-mêmes ne pouvaient, bien entendu, sans péché grave, s’exprimer en langue vulgaire. Les statuts de 1626


MM. de Sorbonne, Paris, Le Cointe, 1653. L’auteur estime qu’ils abrégeront ainsi le temps de leurs études de la moitié et posséderont tout d’un coup ce que la routine de cinq ou six années des études ordinaires leur laisse encore douteux et confus. Il croit qu’il est plus facile de commencer par la langue vulgaire.
Cependant Gobinet, Inst. sur la man. de bien étudier, 1689, considère encore comme indifférent que la grammaire soit écrite en latin ou en français, bien qu’un texte français soit plus commode. Cf. Ern. Berlemont, Mém. de la Soc. de Saint-Quentin, 1890, t. 10, p. 293.

1. A Port-Royal, on avait composé toute une série de livres on français pour enseigner les langues : Fables de Phèdre, Comédies de Térence (expurgées), Captifs de Plaute, Let. de Cic. à Attique (Voir l’avis au Lecteur sur les traductions) ; Billets que Cicéron a écrit, 1668 (Voir la préface de Guyot). Cf. Sainte-Beuve, P.-R., III, 433.