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Vers le milieu du xviiie siècle, peut-être même antérieurement, parut l’Instruction de la jeunesse en la piété chrétienne, ou plus simplement la Jeunesse de l’Abbé Gobinet, qui fut le livre de chevet de beaucoup de maîtres.

Je ne veux pas dire, ce qui serait ridicule, qu’on ne pouvait pas apprendre le français dans un livre du Nouveau Testament. Il importe toutefois de remarquer que le caractère même de semblables livres détourne nécessairement et l’enfant et le maître de s’attacher à des minuties de forme, à des règles d’accord ou à des recettes de syntaxe, qui paraissent futiles auprès des vérités supérieures qu’il s’agit d’enseigner et des pratiques auxquelles on dresse les enfants pour leur salut. Disperser leur attention, déjà difficile à obtenir, risquait de tout compromettre.

Pour élargir un peu l’horizon, quelques novateurs s’enhardirent à ajouter de courts textes profanes. « Je ne me suis pas contenté, dit un de ces pédagogues, de doner pour matière de Lectures à des commençants dans le François ou dans le Latin, l’Oraison Dominicale, le Symbole des Apôtres, et les autres premiers éléments de la Religion, dont j’ai séparé chaque mot par une virgule et chaque syllabe par un tiret… J’ai encore ajouté, suivant le conseil de gens éclairés, d’autres sujets de Lectures en vers, particulièrement des Fables. J’avois trouvé que deux Auteurs modernes avoient mis de même des Fables à la suite de leurs premiers éléments de la Lecture, mais j’ai donné à celles de M. Vaudin la préférence sur celles de M. La Fontaine et de M. Richer ; parce que ne contenant chacune que quatre vers, il est plus aisé de les faire aprendre par coeur aux Enfants ; j’ai suivi en cela leur exemple : j’ai cru cependant qu’il falloit les faire précéder de quelques morceaux de Poësie pieuse. Tout cela est suivi d’un petit extrait de l’Histoire Sacrée en prose et de quelques maximes tirées de l’Ecriture Sainte » (Méthod. nouv. pour apr. à lire., par S. Ch. Ch. R. C. de N. et d. P., Paris, Lottin, 1755, Préf. p. xv).

D’autres manuels contiennent aussi des fables, des maximes, de petits récits historiques et moraux. Tout cela était une leçon de langue, et certainement, s’ils eussent été pratiqués généralement, on devrait conclure qu’une matière suffisante était donnée.

Enseignement de la prononciation. — Je dois à la vérité de dire que parfois la lecture donnait lieu à des observations sur la prononciation. L’auteur de l’Ortographe, qui publie en 1723 une édition revue de son manuel, et qui a étudié probablement à la fin du xviiie siècle, dit textuellement : « Je me souviens que je commençois