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Dix ans plus tard on distribuait des prix de français dans les classes et sans plus aucune des réserves antérieures. En 1750, l’amplification française s’ajoutait en rhétorique à la liste des exercices en usage[1]. Quelques années après, la fable et la narration françaises prenaient place en seconde à côté de la fable et de la narration latines.

Au Collège de la Flèche, on enseignait aussi le français avec le latin et le grec. En seconde commençait la composition française, exercice surérogatoire pourtant. En rhétorique, cette partie des études semble avoir été assez soignée, quoique tout l’ensemble de l’enseignement restât latin, comme ailleurs[2].

Un enseignement sans latin. — Depuis Fleury, l’idée avait fait son chemin.

Le créateur du Bureau tipographique écrivait dès 1733 : « Malgré tout le bien qu’on a dit, et qu’on dit encore des langues mortes ou des auteurs de l’antiquité, il ne seroit peut être pas mal que le grand nombre renonçât à cete étude à present que l’on a la traduction des meilleurs ouvrages. Il seroit peut-être mieus de n’étudier que les langues vivantes les plus nécessaires pour la société, pour le comerce entre les peuples de la terre, et enfin pour les arts et pour les sciences. Il semble que donant de bone heure son aplication à l’étude des choses les homes en deviendroient plus savans qu’ils ne le peuvent être en donant la fleur et le plus beau tiers de leur vie, à la simple étude des mots, ceci va paroître un blasfeme aus adorateurs de l’antiquité païene ; mais ne peut-on pas faire à l’égard des livres païens et profanes, ce que nous avons bien osé faire à l’égard de la Bible, dont on peut dire que les versions tienent lieu de l’original, et que le plus grand nombre de gens d’église regarde à présent presque come inutile l’étude du grec et de l’ébreu ? Est-ce raison, goût, délicatesse ou préjugé qui font respecter, lire, et étudier les originaux profanes plus que ceux de la religion ? Quand notre vie seroit aussi longue que celle des premiers patriarches, à peine sufiroit-elle pour le tems que demandent les arts et les sciences. Cependant toute courte qu’elle est, on en passe la moitié à l’étude materiele des mots et des faits dont chacune a son académie… Ainsi ce ne seroit pas sans raison que je plaindrois le tems que l’on met à l’étude du latin s’il n’y avoit pas de bons livres modernes écrits en cete langue, et si le latin n’étoit pas devenu la langue de l’église, et celle du comerce literaire et politique dans toute l’Europe »[3].

  1. Carré, o. c., 226.
  2. Clère, Hist. de l’École de la Flèche, 1853, 228-229.
  3. Le sisteme du bureau tipographique, I, 137, dans La Bibl. des enfants, 1733.