Page:Brunot - La Réforme de l’orthographe, 1905.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
– 6 –

quand, dans tout examen, l’épreuve orthographique joue un rôle si considérable ? Qu’un enfant veuille en effet être admis à cultiver des choux à l’Institut de Beauvais, des fleurs à Versailles ou des arbres à Nogent-sur-Vernisson, qu’il prétende être mécanicien ou garde-mine, entrer dans les postes ou devenir maître au cabotage, pénétrer au Bon Marché ou au Louvre, l’odieuse dictée le guette au seuil de la maison, et sa carrière dépend, partiellement au moins, de la façon dont il écrit la finale de il coud ou de l’accent qu’il met sur événement.

Bonaparte aujourd’hui n’entrerait pas à Saint-Maixent, et Mme de Sévigné serait refusée au certificat d’études.

Il en résulte d’abord que l’enseignement de la langue souffre de ce préjugé, car, absorbé dans la seule préoccupation d’enseigner à écrire correctement, le maître laisse trop souvent de côté ce qui serait le plus utile objet de l’institution grammaticale : apprendre à bien parler, c’est-à-dire à prononcer justement et sans accents ridicules, à se servir avec exactitude des mots, à faire connaissance avec ceux qui sont rares ou savants, à construire des phrases, à éviter les barbarismes et solécismes en usage dans chaque province. Conduire cette étude par une combinaison adroite de lectures analysées et d’exercices théoriques, voilà qui serait un programme de langue française. Au lieu de cela, presque tous les ouvrages, même dans les lycées, manquent aujourd’hui à leur définition. Ils ne sont pas des « arts de parler correctement ». On peut les savoir par cœur, et ignorer des choses élémentaires essentielles, comme la